Le lean peut-il être le socle d’une nouvelle philosophie et de nouvelles méthodes et outils qui permettraient de concilier respect de la nature et rentabilité ?
Le Lean naît dans un contexte de croissance infinie
Le Lean apparaît chez Toyota (sous la forme du Toyota Production System ou TPS) dans les années 50 alors que la concurrence internationale fait rage, que la trésorerie du constructeur automobile japonais est à sec, et qu’il dispose de moyens industriels limités. Toyota décide alors de réduire au strict minimum le temps qui s’écoule entre le moment où un client passe une commande et le moment où il règle sa facture. Le Lean est né !
Ses principes fondateurs (les 5 piliers) sont toujours d’actualité :
- Se mettre à la place du client et mesurer la valeur ajoutée client
- Mesurer les non-valeurs ajoutées pour en faire des leviers d’amélioration
- Observer le temps d’écoulement (ou Lead Time), le tendre et le maîtriser
- Mettre l’humain au centre de tout, utiliser les talents non exploités
- Penser amélioration continue (et infinie)
Ce contexte (offre plus forte que la demande, guerre des prix, cycle de vie des produits extrêmement court, concurrence mondiale, …) s’est généralisé à la plupart des secteurs d’activité. Aujourd’hui, les entreprises les plus performantes appliquent de près ou de loin la philosophie Lean.
Mais cette philosophie n’est valable que dans un contexte de croissance infinie de la consommation et des ressources planétaires.
Or cette vision du monde est erronée…
Cette croissance infinie a un impact majeur sur la planète et nos écosystèmes
Depuis les années 70, Le GIEC (Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat) alerte sur la finitude des ressources et sur le dérèglement climatique en cours. Ce dérèglement est dû en majeure partie à notre consommation d’énergies fossiles, fortement émettrices de CO2.
Le constat est clair : si nous voulons rester en dessous des +2° d’ici 2100 et permettre aux générations actuelles et futures d’avoir un avenir, nous devons mettre fin aux émissions de CO2 d’ici 2050.
Environ 20% du CO2 émis sur la planète est dû à l’activité industrielle et 20% au transport. D’un bout à l’autre de nos Supply Chain (de la matière première aux consommateurs), nos entreprises ont une responsabilité dans le respect de ces objectifs de décarbonation et de diminution de l’utilisation des ressources non renouvelables.
Proposition de nouveaux principes, ceux du Lean & Green
Le Lean, dans la mesure où il est basé sur la “chasse aux gaspillages”, peut se contenter d’intégrer ces nouveaux gaspillages de CO2 et de ressources non renouvelables.
Les entreprises qui ont une démarche Lean démarrent généralement leur démarche :
- par des chantiers Lean sur leurs sites de production (les postes de travail, les lignes de fabrication,
- puis leurs supply chain internes (modes d’approvisionnement, gestion des stocks, Lean “Warehousing”) et les services proches des sites (qualité, BE, maintenance,…).
- puis par leurs fournisseurs (Lean supplier)
Cette démarche est logique car les gains financiers les plus rapides se trouvent souvent au pied des lignes de production.
Il alors possible de mêler Green et Lean en ajoutant les indicateurs Kwatts, Eau, gaz,… aux gaspillages classiques, dans le but d’ajouter une dimension consommation d’énergie à un diagnostic Lean par exemple (VSM énergie par exemple), l’énergie étant actuellement la première contrainte des industriels.
Et le management des indicateurs de production du quotidien SQCDP, peuvent également être augmentés des indicateurs E (énergie) et M (Matière) de manière à engager tout le monde, à tous les niveaux de l’entreprise.
Est-ce que cela sera suffisant ? Apparemment non. Une analyse de type « Bilan Carbone » vous montrera que seulement agir sur le Scope 1 & 2 (émissions directes et indirectes de votre entreprise) ne suffira pas.
Le scope 3 (les consommations générées par l’utilisation de votre produit par votre client) ont très souvent un bien plus grand impact sur l’environnement (de l’ordre de 70 à 90% de votre bilan total, suivant le type de produit que vous fabriquez et vendez.
Il est donc primordial de mesurer votre impact via un nouveau principe : L’impact de votre activité, dans son entièreté, sur la nature, ce qui nous donne 6 principes pour le Lean & green :
- 1er principe : le respect de la nature.
- 2ème principe : mettre le besoin de son client au centre de son entreprise
- 3ème principe : chasser les gaspillages, la non-valeur-ajoutée : Éliminer les produits/process non compatibles avec le respect de la nature puis chasser la non-valeur ajoutée pour les clients
- 4ème principe : tendre les flux pour réduire l’utilisation des ressources non renouvelables. Ensuite réduire les délais entre commandes et paiements
- 5ème principe : utiliser l’intelligence collective : Formation de tous les salariés à la Transition et au Lean.
- 6ème principe : mettre en place un processus d’amélioration continue de ces principes.
Conclusion :
Si la performance des entreprises reste nécessaire – voir même indispensable- dans une période de contraction comme celle que nous vivons, l’urgence environnementale est telle que les gaspillages “écologiques” doivent primer sur tous les autres et que cette performance ne peut avoir lieu au détriment de la nature.
Il semble nécessaire d’observer dès aujourd‘hui (et au quotidien) les gaspillages du Lean en prenant en compte leur impact environnemental. C’est là que réside toute la complexité d’une démarche Lean et d’une démarche Green : allier performance économique et performance environnementale.